Actualité du dépôt de garantie
Le mois de mars a vu la réflexion sur le dépôt de garantie s’enrichir avec les modifications de la réforme dite « ALUR » aux baux relevant de la loi de 1989 et l’apport de l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 26 mars 2014 en cas de cession de l’immeuble loué.
I) La réforme ALUR
Le domaine de l’immobilier vient de connaître un important toilettage avec la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (JO du 26 mars 2014, p. 5809) qui a été soumise au contrôle du juge constitutionnel (Conseil constitutionnel, décision no 2014-691 DC du 20 mars 2014, JO du 26 mars 2014, p. 5925). Le dépôt de garantie n’a pas été épargné et le législateur y accorde au contraire une certaine importance puisqu’il impose même au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur la possibilité de sanctuariser les dépôts de garantie par la création d’un dispositif permettant que la garantie locative soit déposée sur un compte ouvert auprès d’une institution financière, au nom du locataire et déblocable d’un commun accord entre le locataire et le bailleur (article 7 de la loi ALUR).
En ce qui concerne le bail de locaux à usage d’habitation et mixte (Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986), la loi du 24 mars 2014 rappelle que le contrat de location doit être établi par écrit et, nouveauté, s’il devra respecter un contrat type défini par décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de concertation, il devra préciser le montant du dépôt de garantie, lorsque celui-ci est prévu (art. 1 I 3° de la loi ALUR, article 3 de la loi de 1989).
Il doit être restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, déduction faite. A cette fin, le locataire indique au bailleur ou à son mandataire, lors de la remise des clés, l’adresse de son nouveau domicile.
Il est restitué dans un délai maximal d’un mois à compter de la remise des clés par le locataire lorsque l’état des lieux de sortie est conforme à l’état des lieux d’entrée, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dûment justifiées.
Lorsque les locaux loués se situent dans un immeuble collectif, le bailleur procède à un arrêté des comptes provisoire et peut, lorsqu’elle est dûment justifiée, conserver une provision ne pouvant excéder 20 % du montant du dépôt de garantie jusqu’à l’arrêté annuel des comptes de l’immeuble. La régularisation définitive et la restitution du solde, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu en lieu et place du locataire, sont effectuées dans le mois qui suit l’approbation définitive des comptes de l’immeuble. Toutefois, les parties peuvent amiablement convenir de solder immédiatement l’ensemble des comptes.
A défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d’une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard. Cette majoration n’est pas due lorsque l’origine du défaut de restitution dans les délais résulte de l’absence de transmission par le locataire de l’adresse de son nouveau domicile (art. 22 L. 1989).
Pour les baux relatifs aux logements meublés des résidences principales (article 8 de la loi ALUR), qui se définissent comme étant des logements décents équipés d’un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante, par dérogation à l’article 22 de la loi de 1989 qui limite son montant maximal à un mois de loyer, le montant du dépôt de garantie exigible par le bailleur est ici limité à deux mois de loyer en principal (Article 25-6 L. 1989).
Il est à noter que les dispositions relatives au cautionnement (art. 6 10° & 23 L. mars 2014), qui ne peut pas être demandé, à peine de nullité, par un bailleur qui a souscrit une assurance, ou toute autre forme de garantie, garantissant les obligations locatives du locataire, sauf en cas de logement loué à un étudiant ou un apprenti, ne s’applique pas au dépôt de garantie mentionné à l’article 22 de la loi de 1989 (art. 22-1 L. 1989).
La nouvelle commission départementale de conciliation, qui sera composée de représentants d’organisations de bailleurs et d’organisations de locataires, en nombre égal, et pourra rendre un avis dans le délai de deux mois à compter de sa saisine et s’efforce de concilier les parties (art. 6 I 6° de la loi ALUR), sera compétente notamment sur les litiges relatifs au dépôt de garantie (art. 25-10 L. 1989).
II) L’arrêt du 26 mars 2014
Le locataire a pour obligations principales d’user de la chose louée en bon père de famille selon sa destination et de payer le loyer (Art. 1728 C. civ.). Afin de garantir les obligations locatives du locataire et notamment de paiement, en complément du privilège du bailleur sur les meubles garnissant les lieux loués (article 2332, 1° du code civil), le bailleur exige le plus souvent du locataire le versement d’un dépôt de garantie. Le locataire remet ainsi une somme d’argent déterminée au bailleur qui en est le dépositaire durant le bail, à charge de la restituer à l’issue de celui-ci, déduction faite des éventuelles sommes dues par le preneur au bailleur. Ce schéma classique peut être altéré par la vente de l’immeuble donné à bail. En effet, le vendeur, détenteur initial du dépôt de garantie, en raison de la vente perd sa qualité de bailleur et le locataire a pour nouveau co-contractant l’acquéreur de l’immeuble. Le plus souvent, dans la pratique, l’acte de vente organise les modalités de transmission du dépôt de garantie entre les bailleurs successifs. Si rien n’a été spécifié, la question qui se pose est de savoir si l’acquéreur peut exiger du locataire qu’il lui verse un dépôt de garantie ? C’est à cette question qu’a répondu par la négative la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 26 mars 2014 (n°13-10698).
En l’espèce, une commune achète un ensemble immobilier loué mais l’acte de vente ne contient aucune clause quant au dépôt de garantie versé par la locataire lors de son entrée dans les lieux. L’acquéreur demande au preneur le versement d’un nouveau dépôt de garantie. Pour la cour de cassation, la cour d’appel a retenu à bon droit que l’acquéreur, qui s’est trouvé substitué au bailleur initial pour l’intégralité des clauses du contrat de bail et de ses accessoires, ne pouvait disposer de plus de droits que son vendeur, et qu’ainsi l’acquéreur-bailleur n’était pas fondé à réclamer au preneur le règlement d’un nouveau dépôt de garantie. Autrement dit, pour la Cour de cassation, la substitution de bailleur du fait de la vente n’ouvre pas droit au paiement d’un nouveau dépôt de garantie au profit de l’acquéreur. Ce n’est que si le dépôt de garantie prévu dans le bail n’aurait pas été versé par le preneur avant la cession de l’immeuble que l’acquéreur pourrait prétendre à son paiement. Il pourrait aussi en être ainsi si le dépôt de garantie aurait été restitué par le vendeur au preneur.
En principe, le dépôt de garantie est une dette personnelle dont le remboursement incombe au bailleur qui l’a reçu. La transmission du bail est automatique et s’effectue dès la vente. C’est le bailleur initial qui demeure tenu de la restitution du dépôt de garantie versé par le preneur qui ne peut être réclamé qu’à lui. Ni l’acquéreur, ni son mandataire, ne sont tenus de restituer au locataire le dépôt de garantie versé au précédent propriétaire.
Toutefois, le nouveau bailleur peut être tenu à son remboursement dans deux hypothèses. Tout d’abord, si cela résulte de la volonté des parties à la vente. Ce qui revient à dire, en cas de cession du bail, que le preneur ne peut invoquer la compensation entre sa dette de loyer et le dépôt de garantie du bailleur initial, la compensation étant inopposable au cessionnaire du bail qui n’a pas à restituer le dépôt de garantie. La clause de transmission au bailleur-acquéreur du dépôt de garantie perçu par le bailleur-vendeur n’est cependant pas opposable au preneur qui n’a pas été parti à l’acte de vente. De sorte que le preneur, auquel le dépôt de garantie n’a pas été restitué lors de son départ, peut le réclamer à son ancien bailleur, alors même que depuis le bien a été vendu.
Surtout, depuis 2009, pour les locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 consacre le principe contraire. En effet, il est expressément prévu que « en cas de mutation à titre gratuit ou onéreux des locaux loués, la restitution du dépôt de garantie incombe au nouveau bailleur. Toute convention contraire n’a d’effet qu’entre les parties à la mutation » (Art. 22, al. 6).
En tout état de cause, afin d’éviter toutes difficultés, il convient de recommander aux parties à la vente d’organiser les modalités de transmission du dépôt de garantie à l’acquéreur qui pourrait venir en déduction du prix de la vente et pour le vendeur d’en informer le preneur.
Patrice BATTISTINI, Professeur à l’ESPI Marseille-Méditerranée.